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©Broderie|Derennes Yannick

Cheffes de fil

Quand les créatrices s’en mêlent


1.  La plus internationale des stylistes bretonnes

Nolwenn Faligot

Nolwenn Faligot a toujours tissé un lien entre l’étranger et son Finistère natal. Cette Brestoise de 33 ans, formée à Londres dans les plus prestigieuses écoles de mode, dessine, dans son petit atelier de Dirinon, des vêtements intemporels éco-conçus en série limitée.

Comment êtes-vous devenue styliste ?

A onze ans, je savais déjà que je voulais travailler dans la mode. J’ai rejoint le cercle celtique vers l’âge de sept ans en suivant ma sœur et j’étais fascinée par le costume bigouden. Et puis, j’ai la chance d’avoir des parents ouverts sur le monde, j’ai voyagé très jeune et ils m’ont soutenue dans mes choix. Après mon bac en Arts appliqués à Brest, je suis partie à Londres, sans trop me poser de questions, afin de me former au London College of Fashion et à Central Saint Martins. Je me souviens que nos professeurs nous mettaient la tête sous l’eau pour voir si on savait nager, mais ça forge le caractère. En anglais, il y a une expression qui signifie : « Quand il y a une volonté, il y a un chemin ». Et j’y crois beaucoup.

Pourquoi avoir choisi la Bretagne pour votre marque ?

Après sept ans à Londres, un stage au Japon et trois ans en Slovaquie en tant que directrice artistique d’une marque de luxe éco-responsable, revenir en Bretagne coulait de source. Entre les costumes bigoudens et le vestiaire masculin marin dont je m’inspire, toute l’identité de ma marque est bretonne. Je ne pouvais créer qu’ici. Dès le départ, j’avais une vision précise de ce que je voulais faire : créer des vêtements intemporels et confortables, de la manière la plus vertueuse possible, sur ce territoire qui m’est cher.

Comment vous y êtes-vous prise ?

J’ai réalisé un énorme travail de sourcing des matières premières en Europe. Puis j’ai contacté Armor Lux pour savoir s’ils avaient des surplus de tissus à recycler et ils ont été séduits par ma démarche. Depuis, j’ai créé plusieurs collections pour eux. L’autre critère primordial pour moi est de réaliser des vêtements hors du temps et de la tendance. Je m’inspire de la vision japonaise du vêtement où le confort prime sur la mode. J’aime particulièrement travailler le lin, car c’est une matière vivante qui fait ce qu’elle veut. Cela correspond bien au caractère breton. Et puis, le lin et la Bretagne sont intimement liés.

2. (La) Tricoteuse des temps modernes

Mona-Louise Gillet

Derrière la marque Rizom se cache Mona-Louise Gillet. Cette créatrice de 29 ans installée dans le sud des Côtes d’Armor, à Bon-Repos-sur-Blavet, crée des luminaires et des coussins à l’aide d’une ancienne machine à tricoter mécanique et de matériaux scrupuleusement choisis ou recyclés.

D’où vient votre intérêt pour le fil ?

J’ai toujours vu ma mère coudre, tricoter. Dans ma famille, tout le monde a une fibre artistique. Je crois que j’ai toujours été attirée par la matière, les volumes… J’ai d’abord suivi une formation en architecture à l’école Boulle, à Paris. Après ce cursus exigeant, j’ai été rattrapée par le textile en découvrant à Angers une formation de tissage traditionnel. J’ai combiné tout cela en créant ma marque Rizom autour de la décoration intérieure. A la manière d’un « rhizome » végétal, le tissu que je crée est un réseau de brins entrecroisés et de liens tissés. Rizom parle de ma passion pour le fil, mais aussi des liens que j’ai pu créer avec d’autres artisans locaux sur ce territoire rural.

Comment choisissez-vous vos matières premières ?

Je me suis lancée au moment du confinement, en plein scandale de la fast fashion… M’inscrire dans une démarche écologique et raisonnée me semblait évident. J’ai cherché des producteurs de laine en Bretagne et de lin en Normandie. A côté de ça, je récupère au maximum des invendus de belle qualité. J’aime beaucoup travailler le lin, une matière soyeuse et résistante, mais aussi la laine. Chaque matière a ses vertus !

Quelle machine utilisez-vous pour produire vos coussins, vos luminaires ?

Au cours de mes études à Angers, j’ai découvert une machine à tricoter mécanique des années 70, abandonnée dans un coin. Elle m’a intriguée, j’ai appris à m’en servir. Allier la mécanique au savoir-faire, quoi de plus passionnant ? De fil en aiguille, en échangeant avec d’autres artisans, j’ai récupéré deux autres modèles. Cette machine à tricoter est incroyable car elle me permet de réaliser une maille ajourée pour les luminaires en lin et une maille plus dense pour les coussins en laine. Mais comme mon stock de matières premières dépend surtout de la valorisation de l’existant, je ne peux produire qu’en série limitée…

3. Brodeuse d’exception

Françoise Kerjose

Après une carrière de vingt ans dans la grande distribution, Françoise Kerjose a renoué avec ses premières amours : le textile. Cette Quimpéroise de 56 ans a vécu mille vies professionnelles. Dans son atelier de Plobannalec-Lesconil, elle remet au goût du jour la broderie traditionnelle bretonne avec sa marque Atelier Boem.

 

D’où vient votre passion pour la broderie ?

C’est un héritage familial, j’ai toujours eu une appétence pour la matière. Je pratiquais la peinture sur soie avec ma grand-mère. Mais venant d’un milieu agricole, il fallait exercer un « vrai métier »… alors j’ai remisé la couture au placard. Et puis, un jour j’ai fait la rencontre de Gildas Le Minor, de la marque éponyme, et j’ai repris goût au textile de qualité. Après quelques années à ses côtés, j’ai eu besoin de prendre mon envol et de créer ma marque de linge de maison Atelier Boem.

Comment votre marque est-elle née ?

Boem est un terme breton qui signifie sillon de terre, charme, émerveillement. Je savais que je voulais transmettre l’héritage de la broderie bretonne à travers le tissu, mettre en avant des artistes de notre territoire et renouer avec le savoir-faire et les matières bretonnes de qualité : le lin, le feutre de laine… J’ai découvert la machine à broder Cornely, c’est un vieux modèle créé en 1863 qui réalise des broderies au point de chaînette. Imparable pour donner du relief au fil, de la force et de la puissance aux motifs dessinés sur l’étoffe ! J’ai commencé en créant des essuie-verres, puis j’ai développé une gamme de linge de maison d’exception. Passionnée d’art, je surveille de près les artistes bretons émergents, j’essaye de mêler savoir-faire traditionnel et avant-gardisme dans mes créations.

Quelle est votre dernière création, justement ?

Avec Nolwenn Faligot, nous avons créé des carrés de soie inspirés du motif des collections brodées des vestiaires du Pays bigouden. Le nom de la collection : Goenvic, un célèbre brodeur bigouden des années 1920. J’ai adoré cette collaboration car Nolwenn et moi partageons la même vision du travail bien fait et l’envie de mêler tradition et modernisme.

4. L’artisane designer la plus iodée

Violaine Buet

Après une formation en sciences humaines et un diplôme en création industrielle, la Finistérienne Violaine Buet part en Inde se former à la fabrication traditionnelle du textile. Elle ressort de cette expérience transformée. De retour dans sa Bretagne natale, elle décide de se consacrer exclusivement à l’algue en créant la Manufacture des Algues, à Gâvres (Morbihan).

Pourquoi avoir choisi de travailler l’algue ?

J’ai grandi sur les rochers des Glénan, dans le Finistère. Cette matière souple sous mes pieds, je me suis dit qu’il fallait la valoriser. Et puis en tant que designer, je me pose toujours la question : comment créer sans dénaturer son milieu ? Nous sommes des êtres ultra-technicisés, mais nous avons perdu la lecture de la terre. Travailler cette matière vivante avec mes mains me permet de m’ancrer et de me laisse guider par elles. C’est un matériau fascinant, à la fois sauvage et structuré. Et puis lorsque l’on est touché par quelque chose, on en prend soin…

Quel est votre parcours ?

Après mon apprentissage dans un atelier en Inde, j’ai suivi une formation à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs en design textile et matières, où j’avais carte blanche. Je me suis amusée à travailler une feuille de nori (feuille d’algue noire utilisée pour les makis). Cette formation associée au retour à mes racines bretonnes m’a donné envie de travailler cette matière vivante. Par la suite, j’ai obtenu un mastère spécialisé en innovation durable par le design et le sujet de ma thèse était : « Du geste artisan au façonnage des milieux, vers un design centré sur les vivants ».

Et quelle technique utilisez-vous pour travailler cette matière vivante ?

J’utilise un métier à tisser sur lequel je mélange les algues au lin. J’ai travaillé avec une équipe de chercheurs pour teindre naturellement l’algue. La palette esthétique et technique des algues est sans fin. C’est un matériau qui peut être utilisé dans la scénographie, la haute-couture, le design d’objets, de décoration… L’algue a servi de costume dans un Marvel, par exemple.

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